Créée en juin 2015, la Maison du Jouet Rustique de Pujols vient de franchir la barre symbolique des 100 000 visiteurs. Un succès pour ce petit musée vivant local, unique en France, derrière lequel se cache un homme passionné, collectionneur et surtout créateur de jouets en bois : Daniel Descomps.
Daniel Descomps se considère comme « un passeur de savoir », avec une âme d’enfant, même du haut de ses 78 ans. Habitant Pujols depuis plus de 40 ans, ce passionné a consacré quasiment toute sa vie à faire des recherches sur des jouets anciens, traditionnels et populaires du monde entier et de toutes époques, afin de les reconstruire. « Ce que nous considérons comme des jouets sont en réalité d’anciens objets de rituels qui se sont désacralisés au fil des époques ou qui ont disparu. Le terme jouet tel que nous l’utilisons aujourd’hui a fait son apparition vers 1450 en Russie, à partir du moment où ces objets ont été commercialisés », explique avec précision Daniel. De la Préhistoire à nos jours, ce sont plus de 300 objets ludiques qui ont été créés par ce Pujolais, et qui sont réunis depuis juin 2015 au sein de la Maison du Jouet Rustique, lieu d’exposition permanente, unique en son genre.
« Sans Daniel, ce lieu ne serait pas aussi intéressant »
Cette passion, Daniel la nourrit depuis sa plus tendre enfance. « J’ai commencé enfant à construire des jouets en bois dans mon village en Corrèze. Après la guerre, on récupérait les bouts de bois, les fils de fer et les morceaux de scie. Mais c’est surtout mon père qui m’en fabriquait. Je n’oublierais jamais le petit camion qu’il m’avait offert », raconte-t-il encore émerveillé. Cette émotion, Romain Boissié, le responsable de la Maison du Jouet Rustique, la connait bien : « Quand il arrive ici, je sais tout de suite s’il a découvert un nouveau jouet ou si sa nouvelle construction est prête. Il a comme un air malicieux. »
Devenu professeur d’espagnol, Daniel a poursuivi ses recherches en bibliothèque, dans les revues ethnographiques, sur internet et surtout avec les témoignages des gens rencontrés sur l’une de ses 750 journées d’animation sur le jouet dans des expositions ou des fêtes de village. Un partage qui se poursuit aujourd’hui avec les visiteurs venus du monde entier (Angola, Australie, Nouvelle-Zélande, Russie, Chili, Allemagne , Costa Rica…) qui passent la porte du petit musée pujolais et s’amusent à retrouver les jeux de leur enfance ou de leurs grands-parents. « J’avoue avoir été sceptique au début du projet, confie Romain. Mais il a pris une dimension humaine et culturelle incroyable. Et sans Daniel ce lieu ne serait pas aussi intéressant. »
« Rendre les gens heureux »
Des heures à plusieurs semaines sont nécessaires à la recherche, au dessin, la construction et au test du jouet sur lequel Daniel a jeté son dévolu. « La fabrication est un moment difficile, stressant mais aussi de plaisir. Je ne sais jamais si je vais y arriver. Et après, il faut le tester pour découvrir les éventuels points faibles. » Même une fois toutes ces étapes franchies, il ne sera satisfait que si son jouet suscite une émotion chez le visiteur. « Un rire, une larme… Mon objectif est de rendre les gens heureux, susciter des souvenirs. Mon moment de plaisir c’est de les voir jouer. »
La Maison de Jouet Rustique entend offrir à ses visiteurs « une parenthèse, un moment de bonheur » et de lien social. « Je n’ai jamais vu un ado se poser sur les fauteuils avec son portable pendant que la famille visite et s’amuse, confie Romain Boissié. C’est même frappant de voir certains enfants pleurer parce que les parents veulent partir. » Pour les consoler, Daniel offre souvent un mirliton, une petite flûte en bois, dont le son résonne en suivant dans les rues de Pujols. Ce qui émeut particulièrement le créateur : « C’est peut-être naïf, farfelu et utopique de retransmettre ce qu’on m’a donné et ce qu’on m’a montré. Mais c’est tellement fort de voir que tous ces objets ont traversé des millénaires, d’enfant à enfant et sans aucun écrit parfois. » Alors Daniel en a fait trois bouquins et a édité 150 fiches inédites sur l’histoire, le mécanisme et la construction des jouets, comprenant des notes sur les cultures du monde, la science, la botanique… en repensant notamment à son père, à ce qu’il lui a transmis le jour où il lui a offert son camion : « Je crois que tout ça et cet endroit lui plairait. »
Marina Paris