Alors que la 6e édition de la Semaine de la truffe en Pays d’Albret débute ce vendredi 18 janvier, avec un programme étalé pour la première fois sur deux semaines, nous en avons profité pour partir à la rencontre des acteurs et passionnés de la filière dans le département.
Bien qu’elle soit un produit de luxe, la truffe reste une filière précaire que certains tentent de développer dans le département et dans le monde.
Deux semaines d’animations en Albret
La 6e édition de la Semaine de la truffe en Pays d’Albret organisé par l’association des Trufficulteurs 47 se déroulera exceptionnellement sur deux semaines, du 18 janvier au 2 février. Elle sera notamment marquée par de nombreuses interventions et la venue d’une cheffe japonaise.
C’est un rendez-vous très attendu en Albret et inscrit dans le paysage trufficole : la Semaine de la truffe débutera officiellement le vendredi 18 janvier, par une soirée au restaurant Le Moulin des Saveurs à Barbaste, avec un menu mariant truffe et vins. De quoi mettre l’eau à la bouche avant le traditionnel marché à la salle des écuyers de Nérac le lendemain matin. Comme le veut la tradition, quand la cloche sonnera 10 heures, il ne faudra pas hésiter trop longtemps. Trente minutes suffisent à faire disparaître l’or noir de tous les étals. Il en faudra peut-être même moins cette année en raison de la rareté de la truffe. « Nous avons eu un excès de pluie entre avril et juin, période durant laquelle se forment les têtes. Avec l’excédant d’eau elles ont été étouffées. Et puis au moment du développement en septembre-octobre, il a fait trop sec », détaille Gabriel Chazallon, membre des Trufficuteurs 47.
Les perspectives de récoltes sont maigres, à peine un quart de la production de l’an dernier qui avoisinait les 1 000 kilos sur le département. Pour autant, les prix ne devraient être plus élevés qu’à l’habitude assure le trufficulteur : « Sur les premiers marchés de la saison à Prayssas et Tournon d’Agenais, il fallait compter entre 750 et 1000 euros le kilo, selon la qualité de la truffe. » Pas de quoi donc gâcher la fête dont le programme s’annonce chargé.
Deux chefs au rendez-vous
Cette 6e édition sera particulièrement marquée par le venue d’une cheffe japonaise d’exception, Ikuko Asa. Informée de l’événement par des amis installés à Sainte-Maure de Peyriac, Ikuko Asa a directement appelé l’association pour prévenir de sa venue. La cheffe, formée dans son pays natal et en France, passionnée de gastronomie française et créatrice de l’école culinaire Asa au Japon, sera présente au Moulin des Saveurs, lors du marché et du dîner proposé par les élèves du lycée hôtelier de Nérac, le 24 janvier. « Nous sommes en discussion avec le lycée pour savoir si elle pourra cuisiner lors de cette soirée », confie Gabriel Chazallon.
Autre intervention culinaire, celle du chef Michel Dussau, le 2 février à la boutique Lou Bin à Nérac. « C’est la première fois qu’il viendra », se ravit l’association qui le sollicitait depuis plusieurs années sans, jusqu’alors, arriver à faire coïncider les disponibilités du chef et les dates de l’événement.
Des dégustations et une formation
Durant ces deux semaines, deux séances de dégustations sont également programmées : le 26 janvier lors d’un atelier « Sens’Accords » organisé par la coopérative des Vignerons de Buzet, une brouillade à la truffe et le beurre truffé seront associés à deux vins blancs (gratuit, sans réservation) et le 27 janvier, une dégustation d’huîtres et de beurre truffé sera proposée à côté de la place de l’horloge à Nérac.
Enfin, un stage de formation sur le thème « Pédologie des sols et irrigation » sera initié le 29 janvier au lycée agricole de Nérac, par un pédologue (spécialiste des sols) de l’office national des forêts, Jean-François Berthoumieux, directeur de l’association climatologique de Moyenne Garonne et Patrick Réjou, technicien truffe de l’association régionale des trufficulteurs. Cette journée de formation est ouverte aux adhérents de l’association des Trufficulteurs 47 et au public (sous réserve d’une adhésion à l’association).
Marina Paris
Plus d’infos sur le programme de la Semaine de la truffe ici
La truffe, la revanche des terres pauvres
Depuis plus de 20 ans, la truffe a trouvé une place forte à Tournon d’Agenais. Le prochain marché, officiel et contrôlé, aura lieu le dimanche 3 février prochain.
Il y a une vingtaine d’années, Didier Balsac, le maire de la bastide fut le premier a planter des chênes truffiers à Tournon d’Agenais dans le but de récolter du « diamant noir ». « Le champignon c’est avant tout une passion pour moi. Cette dernière m’a été transmise par mon grand-père Mourgues qui vivait à Thézac. » Il faut dire que le terrain s’y prête à merveille. Tournon est, en effet, doté de coteaux argilo-calcaires qui sont parfaits pour le développement des champignons. Ici, la terre est pleine de cailloux, elle filtre l’eau mais ne la retient pas. « On ne peut pas y cultiver grand-chose, à part un peu de vigne. Ce fut longtemps des pâtures pour les troupeaux d’ovins qui ont aujourd’hui disparus. La truffe qui se développe sur le brulé autour du chêne ou rien d’autre ne pousse, c’est la revanche des terres pauvres », explique-t-il.
Au fil des années plusieurs propriétaires terriens du Tournonnais ont également plantés quelques hectares de chênes. Le 3 février prochain, il y aura sans doute plusieurs kilos de truffes à la vente dans le haut du village de Tournon d’Agenais. « Maintenant que la rénovation des rues du village est terminée, nous avons décidé de nous installer sous la halle-mairie qui a toujours été une place de commerce » précise Didier Balsac.
Vivre de la truffe
Pour Joël Simonet, producteur de truffes au pied de la bastide, « ces marchés officiels et contrôlés sont essentiels pour que l’on vende un produit de qualité aux consommateurs ». Ce dernier avec son fils Daniel a créé « Les Délices de Cantegrel » et a pour objectif de vivre de la truffe. « Nous avons planté nos premiers arbres en 2012 et développons petit à petit notre parc qui compte aujourd’hui 600 chênes pour la truffe noire et 1 000 noisetiers pour la truffe blanche d’été sur 3 hectares de coteaux ». Tout ce que lui rapporte la truffe pour le moment est réinvesti dans son exploitation. « Nous souhaiterions nous étendre sur 7 ha peu à peu », ajoute Daniel. « Les délices » propose à la vente de la truffe fraîche mais aussi des produits transformés : des pâtés, rillettes et foies gras truffés, élaborés avec France Truffes.
Les Simonet proposent également des visites de leur truffière aux touristes de passage. Ils ont d’ailleurs installé une aire d’accueil de camping-car tout près de leur maison. « Après la visite commentée, nous proposons des dégustations de différentes types de truffes à nos visiteurs », indique Daniel. Les touristes peuvent ensuite passer à la boutique, s’ils le souhaitent, pour acheter les « Délices de Cantegrel ». « Nous sommes en plein travaux pour créer une nouvelle extension qui nous permettra de développer de la restauration autour de la truffe », conclut Joël.
S.G
La marque France Truffes veut s’exporter dans le monde
Créateur de la société Aqui-Truf 47 avec la famille Simonet à Tournon d’Agenais et le pennois Philippe Lissart , Bernard Rosa, trufficulteur à Penne d’Agenais, entend bien développer la marque France Truffes à travers le monde et faire de la truffe un véritable business.
Bernard Rosa a toujours été entreprenant. Patron durant 27 ans d’une agence commerciale à Paris, pas étonnant de retrouver son sens des affaires dans la deuxième vie qu’il a entamé en 2007, après la vente de sa société. Revenu dans la ferme familiale du Bousquet à Penne d’Agenais, Bernard Rosa récolte les truffes de ses premiers arbres plantés cinq ans plus tôt, après sa rencontre avec un trufficulteur villeneuvois. Un retour à la terre pour celui qui plus jeune avait décroché son diplôme au lycée agricole de Nérac. « Cela me parlait plus que les bâtiments parisiens », sourit-il. Si la trufficulture attise dans un premier temps sa curiosité, Bernard Rosa ne tarde pas à porter un regard de chef d’entreprise : « C’était d’abord une passion puis c’est devenu un business. Même si on ne vit pas de la truffe », insiste-t-il. Le Pennois s’investit alors dans la filière en devenant le président de l’association des Trufficulteurs 47, avant que Francis Ellero ne lui succède. Mais l’expérience s’avère plutôt frustrante pour un entrepreneur comme Bernard Rosa : « La truffe reste un produit secret. Peu de producteurs veulent en parler. La filière se retrouve au milieu de divergences politiques. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut en parler mais personne agit. »
Des objectifs pour les 5 ans à venir
Face aux nombreuses problématiques de la filière et notamment les incertitudes de production qui la rendent précaire, le trufficulteur et trois autres producteurs ont créé la société Aqui-Truf 47. Afin de mieux répondre à la demande, tous s’entraident pour la taille, le cavage, le calibrage… et mettent en commun leur production de truffes qu’ils vendent fraîches ou transformées (en terrine, foie gras, charcuteries réalisées à la ferme du Vignal). « La société rachète également des truffes à d’autres producteurs locaux et des départements limitrophes », ajoute Bernard Rosa. Parmi leurs clients réguliers, les restaurateurs de l’académie culinaire de France et un important distributeur sur Rungis. La société commence à s’ouvrir les portes des marchés européen, asiatique et américain via des chefs français. « Nous avons envoyé 3 kilos à Los Angeles cette année. C’est peu, mais je nous laisse 5 ans pour en faire un véritable marché », ambitionne le trufficulteur. Localement la société devrait également prendre de l’ampleur : l’actuelle boutique installée à la ferme du Bousquet devrait se transformer en bureaux et être déplacée dans un local plus grand à Tournon d’Agenais en 2020.
M.P