Agriculteurs, consommateurs et techniciens se sont réunis autour d’un petit déjeuner à Lou Veratous à Moncrabeau pour aborder un sujet crucial pour notre département : « Être éleveur en Lot-et-Garonne aujourd’hui, qu’est-ce que ça implique ? Quel est l’avenir de l’élevage en 47 ? »
Garenne Partie offrait le cadre rêvé pour une rencontre entre producteurs et consommateurs. Hubert Cazalis, directeur d’Agrinove technopole « qui a pour ambition de contribuer à l’invention de nouvelles formes d’agriculture », soulignait l’importance que revêt pour sa structure le développement économique de l’Albret et du Lot-et-Garonne en général, quand l’éco-festival se concentre habituellement sur le lien entre environnement et culture. Il a donc initié ce rendez-vous convivial entre éleveurs et apiculteurs, techniciens de l’agriculture et citoyens de l’Albret.
Le soutien essentiel de la famille
Romain Chapolard présentait le fonctionnement de la ferme familiale, où il élève avec son frère et sa sœur des vaches laitières en bio, sur 120 hectares de coteaux. Ils produisent aussi un peu de viande, mais vivent surtout de la vente de leurs produits laitiers transformés. Ils ont choisi la vente de proximité pour leurs yaourts. Depuis 2015, grâce à l’action du Conseil Départemental « Du 47 dans nos assiettes », la Ferme des Flots Blancs à Mézin est connue de tous les collégiens du département : 25 000 de leurs yaourts sont distribuées dans les collèges, soit un yaourt par élève tous les 1,5 mois. Ce chiffre peut paraître dérisoire, mais pour Romain Chapolard, c’est un succès et un soutien qu’il espère voir reconduit par le département régulièrement et à long terme. Chez les Chapolard, chacun sa tâche. Ombeline gère la traite et les animaux, Julien la culture des terres et Romain la transformation et la vente sur les marchés. Chacun a un salaire fixe de 700€ et un emploi du temps régulier, sauf en été, où « personne ne touche terre » ! Leur fonctionnement est rendu possible par leur situation familiale, souligne Romain, puisque leurs compagnes et compagnon respectifs perçoivent un salaire extérieur.
De leur côté, Marie et Matthieu Delanoy, éleveurs de chèvres à Moncrabeau, présentaient les contraintes mais aussi les avantages à l’exploitation en couple : « On se comprend plus facilement mais on n’en sort jamais ! ». Les chevriers habitent sur place et travaillent en décalé, ce qui leur permet de passer du temps avec leurs jeunes enfants. La place de l’enfant dans le monde de l’élevage est en effet cruciale pour eux. Leur emploi du temps, aléatoire, dépend totalement du climat. C’est l’indépendance et la flexibilité de leur travail qui les motive le plus, même s’ils n’en sont pas maîtres. Ils partagent les tâches avec une salariée, ce qui leur permet de prendre de temps en temps des weekends libres en famille. Mais c’est toujours la nature qui décide de leur emploi du temps, qu’il s’agisse de la météo ou de la période de tarissement des chèvres, pendant l’hiver. La production de fromages de chèvres s’arrête pendant plusieurs mois, et les clients patientent jusqu’au printemps pour retrouver les cachaous et autres petits moncrabelais. Par respect de la nature, les Delanoy ont en effet choisi de ne pas désaisonnaliser leurs bêtes, ce qui implique une bonne dose de communication auprès des consommateurs, qui ne sont plus habitués à ce type de fonctionnement.
À la question « Peut-on vivre de l’élevage aujourd’hui en Albret ? », la réponse était unanime : « Oui, si on se contente d’un salaire de 700€ par mois, et qu’on est prêt à beaucoup travailler pour un produit de qualité ! La valorisation du produit doit avoir lieu en local, ce qui implique la transformation et la vente directe ! » Jehanne Rignault, agricultrice à la retraite, concluait en soulignant qu’il y a quarante ans déjà, lorsqu’elle s’est installée à la Ferme du Boué à Sainte-Maure-de-Peyriac, il avait fallu exercer trois métiers en un pour vivre de son travail : élever ses bêtes et transformer ses produits, mais aussi les vendre, sur les marchés ou à la ferme. Autosuffisance, qualité des produits et vente en directe sont donc, de l’avis de tous les participants, les réponses aux difficultés du monde agricole d’aujourd’hui.
Céline Larigaldie