Tiers-lieu, fabrique coopérative, incubateur de projets… l’association La Maison Forte, créée à Monbalen en 2019, s’est fixée l’objectif de proposer des solutions et alternatives pour la société de demain, en respectant les enjeux environnements et humains actuels.
« Une forme d’espoir pour le futur »
Certains les considèreront en marge de la société. D’autres les compareront à une alternative zadiste, là où d’autres encore parleront de secte. Tous cela ils l’ont déjà entendu, mais ils préfèrent le terme d’utopistes. Les coopérateurs de la Maison Forte se sont fixés l’objectif de « faire autrement ». « L’idée est simple, introduit Bruno Caillet, l’un des six membres fondateurs de La Maison Forte et trésorier de l’association, la situation globale dans le monde n’est plus tenable. Le modèle de la société actuelle ne fait plus sens et les crises s’accumulent. Plutôt que d’être dans une mouvance alarmiste, La Maison Forte est un lieu d’expérimentation pour tenter de trouver des alternatives, des réponses et des solutions pour demain. »
« Fais bien et laisse dire »
Tout débute en 2014. Une histoire d’amitié entre une dizaine de personnes, originaires de toute la France, liées par des interrogations communes, à la recherche d’un équilibre entre leur vie personnelle et les enjeux actuels. Les prémices de La Maison Forte sont lancés en 2017, au cœur de la campagne de Monbalen, petit village de 437 habitants. « Le Lot-et-Garonne répondait à notre budget limité, tout en étant proche de métropoles et de villes moyennes. Et puis dans le sud pour avoir un cadre de vie agréable », justifie Bruno Caillet qui a vu dans la devise de la commune un signe : « Fay pla e daisso dire » (« Fais bien et laisse dire »).
Six membres du groupe se portent acquéreurs d’une immense propriété bâtie sur plus de 6 hectares, comprenant une maison principale de 600m2, 4 dépendances et 4 chapelles. à ce moment, l’association n’est pas encore formée, mais une phase d’expérimentation se met en place durant 18 mois. Ils sont rapidement rejoint par une vingtaine de « coopérateurs », des bénévoles qui investissent de leur temps pour le fonctionnement du projet. En mars 2019, La Maison Forte voit officiellement le jour et compte aujourd’hui près de 700 membres répartis en France et en Europe.
« Croire en l’économie sociale et solidaire »
La Maison Forte gère un projet global dont la finalité est de dire, prouver et référencer des alternatives possibles. « Pas « alternatives » au sens où cela ne serait pas intégré à la société, précise avec pragmatisme Bruno Caillet. Nous voulons croire en l’économie sociale et solidaire, pas à un monde ultra-capitaliste ni à celui des bisounours. »
L’association s’est donc fixée quatre grands axes de travail basés sur des valeurs de coopération, d’innovation et de partage. « Notre première réflexion s’articule autour de l’exploitation agricole, détaille le trésorier de l’association. Nous cultivons la terre sur de petites surfaces en vue d’une autonomie et d’un partage en circuit court via une épicerie par exemple. La deuxième porte sur l’innovation. Si vous croyez que le monde qui vient ne ressemblera pas à celui du passé alors il faut innover. La Maison Forte abrite donc un incubateur de projet pour des expériences nouvelles et faire en sortent qu’elles se concrétisent. » S’ajoutent la transmission de toutes ces réflexions via des séminaires, des formations, des ateliers, des résidences d’artistes et de créateurs… et les activités propres à l’association comme l’espace de co-working, de la location saisonnière immersive et la guinguette. Cet ensemble est lié par des actions socio-culturelles qui permettent d’inviter le public sur le site et provoquer des échanges, comme le festival de cinéma plein air « Plein Champ » ou encore les « Jour J », dont la troisième édition se déroulera le 21 mars sur le thème « C’est un jardin extraordinaire. Quelles sont les fonctions du jardin ? ».
« Nous n’avons pas la prétention de changer le monde et nous ne sommes sûrement pas exemplaires, reconnaît volontiers Bruno Caillet. Mais nous refusons de voir la société actuelle comme une fatalité. On peut faire autrement. Et au même titre que des millions d’autres personnes sur Terre, nous incarnons une forme d’espoir pour le futur. »
Retrouver du sens
Qu’ils soient membres fondateurs, coopérateurs, habitants, porteurs de projet… tous ont adhéré à La Maison Forte pour redonner un sens à leur vie et agir, à leur échelle, pour une transition sociale.
Cécile, 45 ans, coopératrice

Je travaillais en tant que chargée de communication dans le milieu culturel au Havre. Je ne me sentais plus en accord avec mon métier et les besoins de ma vie personnelle, la protection de l’environnement et mon impact sur ce dernier. Aujourd’hui, je fais des allers-retours entre ici et Nantes. Mais je cherche activement une maison pour m’installer en Lot-et-Garonne.
J’apporte mon savoir faire en communication à La Maison Forte et en contre-partie, je peux travailler sur mon projet incubé, un jardin de plantes aromatiques et tinctoriales (plantes dont certaines parties peuvent servir à préparer des colorants et des teintures – Ndlr).
Sébastien, 39 ans, habitant et coopérateur

Je suis arrivé au mois de juin d’Agen pour m’installer à La Maison Forte. J’ai été menuisier, vendeur en téléphonie, paysager, manager en grande surface… Et là je n’avais plus envie de me lever le matin. Le déclic a aussi été la grossesse de ma femme. Je me suis demandé ce que j’allais transmettre à mes enfants. Une amie m’a parlé du projet de La Maison Forte, où j’habite désormais. J’aide à l’entretien du site et en parallèle je travaille sur les écosystèmes et les mycorhizes (association durable et mutualiste entre des champignons et les racines des plantes, chacun se rendant service mutuellement – Ndlr).
Habiter autrement grâce au tiny houses

Robin et Marion ont intégré La Maison Forte pour une résidence de six mois. Leur projet : la conception de tiny houses (mini maisons) pour établir un rapport entre l’énergie et le temps.
Le jeune couple a garé sa caravane dans l’une des dépendances de la Maison Forte depuis début janvier et s’est fixé l’objectif d’y construire deux tiny houses (mini-maisons) d’ici le mois de juin. Diplômé en aéronautique pour Robin, en agronomie pour Marion, tous les deux se sont alliés en créant l’association Solar’Hythm (siège basé à Agen). Ils entendent expérimenter et accompagner l’évolution de nos modes de vie à travers la rencontre et le partage, en s’appuyant sur deux enjeux : l’énergie et le rapport au temps. Ils créent des outils pour susciter le questionnement, ouvrir le champ des solutions, favoriser et accompagner des dynamiques d’action pouvant répondre aux enjeux actuels. « Aujourd’hui, les énergies fossiles nous permettent de nous affranchir des contraintes temporelles. Mais la raréfaction des ressources nous poussent à repenser notre rapport à l’énergie et donc au temps », développe Marion.
Après la création d’un tandem solaire, Robin et Marion se sont lancés dans la conception de deux tiny houses : « Qui dit petit, dit économie de mon temps et de mon énergie. Ça coûte moins cher, nécessite moins d’entretien, ça répond aux enjeux d’accessibilité au logement, à l’impact écologique car on peut maîtriser la construction dans son ensemble avec des matériaux durables… C’est un projet qui fait sens. »
Cette expérimentation, Robin et Marion la partagent tous les vendredis à travers des ateliers ouverts à tous à la Maison Forte. « On invite les gens à faire ça avec nous, sans objectif de construction, explique Robin. L’idée c’est d’oser se poser les questions qu’on ne prend pas le temps de se poser et de s’enrichir des valeurs de chacun. »
Atelier gratuit sur adhésion à la Maison Forte (5€). Inscription via le site https://www.ateliersdelenergieetdutemps.fr/