Gendarme retraité et informaticien de formation, Claude Pfister s’est lancé dans une nouvelle mission de service public : réduire la fracture numérique dont sont victimes les séniors lot-et-garonnais. Un test d’atelier numérique et d’apprentissage d’utilisation d’une tablette adaptée vient de se terminer à Bourlens.
L’opération « Séniors Numériques », fruit du partenariat entre le Club du Chêne Vert, affilié à la fédération lot-et-garonnaises de Générations Mouvement, et Claude Pfister, porteur du projet contre l’exclusion numérique des séniors, vient de faire le bilan de son expérience test.
À Bourlens, 13 séniors ont suivi pendant un mois et demi un atelier de formation à l’utilisation d’internet sur une tablette adaptée. Cet outil fonctionne avec l’application « Elementique Senior » développée par un ingénieur belge, et permet à l’aide de gros logos de naviguer facilement, de bénéficier de la 4G, de la lecture à haute voix, d’un accompagnement à distance ou à domicile… Un outil que les participants ont pu acheter « pour seulement 245€, loin des tarifs habituels sur ce type d’outil informatique », souligne Claude Pfister qui a lui-même choisi la marque de la tablette en prenant garde à la bonne résolution de l’image et à la qualité du son.
« Ça change mon quotidien »
Les séniors ont ainsi été formés à son utilisation au cours de cinq séances de deux heures : utilisation des mails, initiation à internet, passer une communication en visio-conférence et découverte des différentes applications de jeux. Les premiers résultats à l’issue de la dernière séance sont très positifs selon les concernés, comme Jacqueline, 76 ans, ancienne cantinière à l’école de Bourlens. « C’est mon fils qui m’a poussée à participer. J’hésitais parce que je ne pensais pas y arriver. Je n’avais jamais touché un ordinateur de ma vie, confie celle qui est décrite par ses amis de l’association comme la meilleure élève de l’initiation. Et finalement j’ai surmonté mon appréhension et j’y ai pris goût. Je regarde les informations des journaux, j’échange par mail avec mon fils pour m’entrainer, je joue au Scrabble. Ça change mon quotidien et je sais aussi que j’aurais de quoi m’occuper cet hiver quand il pleuvra et que je ne pourrais pas sortir. »
Certains vont même encore plus loin, comme André, 74 ans qui a installé l’application « Elementique Sénior » sur son smartphone. « C’est plus pratique que la tablette parce que je l’ai toujours sur moi », explique l’agriculteur retraité qui n’a pas perdu ses réflexes et consulte ainsi plusieurs fois par jour la météo et les cours des céréales sur Agritel.
« Peut importe qu’ils utilisent la tablette ou leur téléphone, constate Jacques Boule, le président du Club du Chêne Vert. Ce qui compte c’est que ça permet de communiquer, de répondre à la disparition du service public, à l’isolement en zone rurale. Il y a un réel besoin. »
23 000 séniors lot-et-garonnais exclus du numérique
Besoin constaté par Claude Pfister en septembre 2018 suite à la parution d’un sondage par l’institut d’études CSA pour les Petits Frères des Pauvres, selon lequel 28 % des sexagénaires n’utilisent jamais internet. Une exclusion qui touche encore davantage les plus de 80 ans et les personnes aux revenus inférieurs à 1 000 euros. Au plan territorial, la Nouvelle Aquitaine compte en moyenne 22 % d’exclus du numérique. « En transposant ce pourcentage, et sans tenir compte de l’évolution de la population des personnes âgées depuis 2015, ce sont plus de 23 000 séniors lot-et-garonnais qui seraient aujourd’hui dans cette situation », selon Claude Pfister.
Une fracture numérique qui comprend aussi bien l’accès internet, son utilisation et l’impossibilité d’acheter le matériel informatique en raison de son coût, et donc facteur d’exclusion sociale. « Le quotidien est de plus en plus rythmé par des procédures numériques et la disparition des services publics de proximité. Cette tendance à la e-organisation ne cesse de se développer, marginalisant un peu plus chaque jour ceux qui ne savent pas utiliser les nouveaux outils de communication et ceux qui n’y ont pas accès », argumente l’ancien gendarme. Dans le but d’endiguer ce qu’il appelle « l’illectronisme » et faire augmenter la communauté des « silver surfer » (séniors utilisant internet), Claude Pfister compte s’appuyer sur les résultats obtenus à Bourlens et convaincre tout le réseau Génération Mouvement du département de proposer ces ateliers à leurs 15 000 adhérents séniors.
M.P
Renseignements complémentaires sur https://seniors-numeriques.fr.